JUMIÈGES À L’AUBE DE LA RÉVOLUTION [1]  Autour des cahiers de doléances de 1789

JUMIÈGES À L’AUBE DE LA RÉVOLUTION [1]

Autour des cahiers de doléances de 1789

De Bernard CHARON

 

Bernard CHARON, petit-fils d’un souffleur de verre, militant syndicaliste au TRÉPORT au début des années 1900, termina sa carrière d’instituteur en 1992 dans la fonction de Directeur de l’ école primaire Guy de MAUPASSANT, au TRAIT. Avec son épouse, il militait avec Célestin FREINET, inspirateur de réformes pédagogiques progressistes.

Ce passionné d’Histoire, fidèle adhérent de notre association, nous a fait l’amitié de nous envoyer, dès sa parution, un exemplaire de son livre dédicacé au nom de l’IHS CGT 76. Edité sous une élégante couverture cartonnée, en format 21 x29.7, composée en une typographie très lisible, agrémentée d’une discrète mais très judicieuse iconographie, cette savante étude historique est fort révélatrice sur les pratiques générales de l’ancien régime et sur ses particularités dans le secteur de JUMIÈGES et sur le contenu des cahiers de doléances où, en ce 29 mars 1789, les habitants de JUMIÈGES comme ceux des 4000 paroisses du royaume de France, étaient appelés à formuler leurs revendications à soumettre au Roi.

L’auteur décrit en détail ce qu’était le Royaume de France, le Roi, les Catholiques et Protestants, le Gouvernement, le Budget avec ses rentrées et dépenses, un regard sur les finances du Royaume depuis 1320, l’évolution entre les règnes de >Louis XIV et Louis XV, la structure des impôts, , l’importance des droits féodaux. Il insiste sur l’éminent rôle des philosophes du « Siècle des Lumières » : VOLTAIRE, MONTESQUIEU, ROUSSEAU, DIDEROT, DALEMBERT et sur l’énorme travail que ces deux derniers animèrent pour l’Encyclopédie dont les publications mobilisèrent leur attention durant 21 ans, de 1751 à 1772. Il cite Jean – Jacques ROUSSEAU qui dans « L’Émile » notait : « L’ordre actuel de la société(…) est sujet à des révolutions inévitables ». Il rappelle aussi comment des Français, vivant dans un royaume, acheminèrent armes et munitions auprès des colons d’Amérique du nord qui, dès 1776, se révoltèrent contre les Anglais, puis créèrent la république des États Unis.

Quant à JUMIÈGES, on apprend que les revendications prioritaires formulées par ses habitants dans leurs Cahiers de doléances concernent » deux fléaux funestes » : une espèce d’insectes nommés « mans » qui détruit plants , grains, légumes et tout produit de la terre, ruinant les cultivateurs, plus les flux et reflux de la mer, répercutés sur la Seine qui détruisent les rives et propriétés. Ce, alors que les habitants et les propriétaires sont spoliés par les divers impôts. Ils réclament, entre autres réformes, que la noblesse et le clergé soient «  les premiers à suporter dans une parfaite égalité, et chacun en proportion de leur fortune, les  impositions et contributions généralles de la province ».

Puis l’auteur consacre un chapitre au rôle du clergé dans la Révolution. L’ouvrage est conforté par une série d’importantes Annexes sur les impôts sous l’ancien régime, sur la Fiscalité et les Fermiers Généraux, sur les « idées reçues », les interprétations et manipulations dans l’Histoire. Il se clôt avec un très utile Glossaire.

Ainsi présenté, ce livre peut faire penser à une publication dont la lecture serait frappée par l’austérité. Il n’en est rien : ce sérieux travail d’historien, très précis, très documenté, où domine le constant souci de la vérité historique, est émaillé de révélations fortes savoureuses qui bousculent nombre « d’idées reçues ». Contrairement au mythe bien ancré selon lequel Louis XVI était « petit, gros, peu intelligent » il s’avère qu’il « mesurait 1.90 m, et possédait une grande force physique,…il parlait couramment l’anglais, lisait et comprenait l’allemand, l’espagnol, l’italien et le latin ». On apprend aussi des vérités sur le fameux « droit de cuissage », sur « les cages de fer de Louis XI » , sur la légende de la mort du jeune Joseph BARA, etc. L’auteur cite ainsi des extraits d’un livre de Charles Antoine DESHAYES, publié en 1829, où figure le comportement des moines de l’Abbaye de JUMIÈGES à l’époque des Cahiers de doléances : «  Dans les derniers temps, les moines se trouvaient peu nombreux et presque tous s’étaient relâchés de l’austérité de leurs prédécesseurs. La conduite de certains étaient un outrage aux mœurs et à la religion ». Lors des travaux de recherche sur cette période, qu’avait mené Bernard CHARON avec ses élèves de CM1- CM2 en 1989, ils avaient trouvé une lettre qui atteste combien ces moines faisaient bonne chère. Ce courrier avait été adressé aux autorités siégeant à CAUDEBEC vers 1794 par un vigneron de BEAUNE. Il signalait avoir livré aux moines de l’ Abbaye de JUMIÈGES plusieurs fûts de vin de 180 à 240 litres, contenant du MEURSAULT, du VOLNAY, du MUSIGNY, du BEAUNE, du CORTON, du GEVREY-CHAMBERTIN….jamais payés !

Conclusion : Voilà un ouvrage original, à prix modique, fort érudit, tès plaisant à lire. Il faut vous le procurer, vous ne serez pas déçu.

Robert Privat



[1] Bernard CHARON. JUMIÈGES ÀL’AUBE DE LA RÉVOLUTION . Autour des cahiers de doléances de 1789 Edition « Le Scorpion brun » 52 pages .Février 2016- 9 €