
Dans « Le feu aux poudres », dès le début du roman, l’auteur , par le truchement de son héros Albert Fournier nous emmène tour à tour dans un bistrot du quai de Gironde, au « Petit sou », sur le paquebot « Normandie » à l’occasion du voyage inaugurale de juin 1935 entre Le Havre et New-York, qui rencontrera des personnalités notoires, tel Céline, Blaise Cendrars (le manchot génial) et Colette. Plus tard il nous fait rencontrer Jean Paul Sartre professeur au lycée du Havre, (aujourd’hui lycée François-Ier) Simone de Beauvoir, etc.
Philippe Huet flanque à ces personnages une vérité qui s’inspire des hommes et femmes qui marquèrent cette époque, tel Louis Eudier, futur déporté, Président de l’Union Locale CGT du Havre dans les années 60. En 1936, il est Secrétaire du syndicat des métaux CGT (qui s’appelle René Haudouin dans le roman) qui, s’inspirant des grèves avec occupation d’usines en Pologne et Bulgarie, proposera cette forme de lutte ayant une particularité, celle d’occuper l’usine en protégeant le Breguet 730, un prototype d’hydravion, construit notamment par les grévistes.
Lorsque la direction de l’avionneur Breguet, très rigide et soutenue par la ligue nationaliste et anti-bolchévique des Croix-de-feu, veut faire un exemple en licenciant deux ouvriers, parce qu’ils ont participé à la grève du 1er mai, l’épreuve de force commence.
Dans ce climat du Front Populaire de 1936, Philippe Huet nous montre comment le rapport de force s’impose en faveur de la classe ouvrière défavorisée, et comment le patronat est contraint de lâcher du lest devant la détermination des salariés. Pour la première fois, une usine est occupée, donnant le signal d’une vague de grèves et d’occupations d’usines dans toute la France.
« Le feu aux poudres », se veut la suite des 2 précédents romans sur le monde ouvrier havrais écrits par Philippe Huet, « Les quais de la colère » qui raconte l’histoire de Jules Durand, « Les Émeutiers » qui raconte les grèves des métallurgistes de 1922 qui dureront111 jours et firent 4 morts sur le cours de la république devant « Franklin », la bourse du travail havraise, pour lequel Philippe Huet, à obtenu, lors du 14ème festival « Polar à la plage », au Havre, le prix des « Ancres Noires, le 12 juin dernier.
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Journaliste et écrivain né au Havre, notre ami Philippe Huet a signé de nombreux romans, biographies et documents ayant souvent pour cadre la Normandie et plus particulièrement Le Havre, dont il rend très bien l’atmosphère portuaire, les combats ouvriers et les manœuvres politiciennes. Il reçut en 1995 le Grand Prix de littérature policière.
Avec « Le Feu aux poudres », il confirme son goût pour le roman historique engagé. Trop peu de romancier s’intéresse à l’Histoire sociale, pourtant si riche de notre pays. Nous ne saurions que vous le recommander.
« Le Feu aux poudres « de Philippe HUET – Rivages- avril 2016- 20 €
Jacques DEFORTESCU