
Par Jacques DEFORTESCU
Après le succès des « Quais de la Colère » paru en décembre 2004, qui retrace l’histoire de Jules Durand, « L’affaire DREYFUS du pauvre », comme l’écrira Jean Jaurès dans l’Humanité , Philippe Huet, journaliste et écrivain , né au Havre, publie ce qu’il considère comme la suite de cette saga, à travers ce nouveau roman : « Les émeutiers ».
C’est l’histoire très méconnue, mais qui marqua le mouvement ouvrier, de la grève des métallurgistes havrais de 1922, contre la baisse autoritaire du patronat de la métallurgie de 10 % des salaires, qui dura 111 jours, du 19 juin au 9 octobre et fit 4 morts sur le cours de la République, (face au cercle Franklin, l’actuelle maison des syndicats) On y retrouve des personnages qui ont marqué la vie politique de cette époque : Jules Siegfried, député , ancien Maire, ancien Ministre, Louis Brindeau , Sénateur, Raoul Ancel, maire d’ Harfleur, Henri Quesnel, Secrétaire Général de l’Union des Syndicats CGT du Havre, Urbain Falaise, le patron du journal du « Havre – Eclair » qui avait appelé à l’assassinat de Jaurès, Tessandier, le patron des Chantiers Duchesne & Bossière, et Président du Comité des Forges, Jean Le Gall, Secrétaire du Syndicat des camionneurs, Henri Gautier , métallo havrais qui deviendra un trésorier de la fédération des métaux Cgt , avant de disparaître tragiquement pendant la seconde guerre mondiale. L’auteur invoque même, par pure fantaisie, comme il le confesse, Louis Ferdinand Destouches, alias Céline, qui sera un temps dans les années 20 médecin dans le quartier de l’Eure au Havre.
Philippe Huet décrit les luttes et les conditions de travail des métallos du Havre des usines du Nickel, des Forges et Chantiers de la Méditerranée, de la Chaînnerie Veillé, mais aussi fait allusion aux salariés de chez Humbert l’entreprise de bois et dérivés. Il décrit de façon très réaliste le quartier des « Tréfils », « le village dans la ville avec son école d’apprentissage, la crèche « la pouponnière » , le stade et les athlètes de l’Union Sportive des Tréfileries, la société de gymnastique de l’Espérance ». Il montre comment le Ministre de l’intérieur Maurice Maunoury, et Charles Lallemand, le Préfet de Seine-Inférieure, vont monter de toute pièces les provocations à l’égard des métallos havrais en complicité avec le Comité des Forges, qui aurons les conséquences que l’ont connais.
Il prend notamment pour décor, le lieu où les grévistes ne pouvant plus se réunir dans la Salle Franklin – fermée après les morts du 26 août, la Forêt de Montgeon, au « trou des métallos » ou pendant toute cette période, se réuniront les grévistes et où, tour à tour prendront la parole les dirigeants syndicaux et politiques.
Il souligne le soutien régulier et quasi quotidien de Gaston Monmousseau, Directeur de la Vie Ouvrière et de Marcel Cachin ou Pierre Monatte de l’Humanité **.
Ce roman est un bel hommage aux luttes des métallurgistes havrais et aux regrettés, Maurice Tronelle, Georges Alain, Charles Victoire et Georges Lefèvre qui y laissèrent leur vie sous les coups de la police un beau jour d’aout 1922, et dont la Cgt au Havre, chaque année, commémore encore la mémoire, quelques 93 ans plus tard.
Il n’existe pas trop de romans historiques, en France, qui raconte ainsi l’histoire de la Classe Ouvrière, notre histoire. Nous ne saurions trop vous conseiller d’accueillir et de découvrir celui-ci comme il convient : un très bon roman, prenant et exaltant.
Philippe Huet, sera à la librairie « La Galerne » au Havre le 19 mai prochain à 18 heures.
* Philippe HUET, adhérent à notre Institut, a signé de nombreux romans, biographies et documents ayant souvent le cadre de la Normandie, et notamment Le Havre, dont il rend l’atmosphère portuaire, les combats ouvriers. On pourra relire avec intérêt « Les quai de la colère » qui raconte de manière romancée l’histoire de l’affaire Jules Durand. Edition Albin Michel – décembre 2004- 380 pages- 19.90€
** Marcel Cachin viendra aussi prendre la parole à Petit-Quevilly (voir le Fil rouge n°5 – printemps- été 1999).