
Il a en effet été annoncé une nouvelle augmentation du péage qui passe à 2.60 € (+ 13% depuis 2011) Pourtant, ce pont est payé et repayé depuis bien longtemps par ces utilisateurs.
Le Gouvernement l’a déclaré dernièrement par la voie de Ségolène Royale, » il n’y aura pas d’augmentation des péages » Les promesses n’engagent que ceux qui les croient, mais on peut se poser la question: la Chambre de Commerce du Havre serait elle au dessus des décisions gouvernementales? Et la Chambre de commerce annonce que celui-ci restera payant jusqu’au moins 2027 (et non 2026 comme annoncé ci -dessous, encore un an de plus à payer)!
L’action contre les péages du Pont de Tancarville, du Pont de Normandie et des autoroutes ont toujours été au cœur des préoccupations de la CGT,comme le prouve l’un des nombreux articles de presse reproduit ci dessus.
Le Pont de Tancarville à 55 ans.
A l’occasion des 50 ans du Pont de Tancarville en 2009, notre ami Antoine FISZLEWICZ (1), avait rédigé l’ article ci dessous qui n’a jamais été publié. C’est chose faite aujourd’hui, et nous le remercions.
Ses usagers n’en ont pas toujours conscience. Mais le pont de Tancarville a déjà une longue histoire. Elle remonte bien avant sa création effective. C’est que, dés 1870, l’idée était lancée. Il fallait un pont. C’était facile à dire. Moins facile à faire. Un pont capable de traverser les 600 mètres de la Seine n’était pas chose aisée à réaliser. D’autant plus qu’il fallait le construire très haut afin de ne pas entraver la navigation, Rouen étant inflexible sur ce point. Pour ne pas placer de piles dans la Seine, il fallait donc un pont suspendu. Le site de Tancarville paraissait répondre à ces différentes exigences placé, tel qu’il l’était, à 80 mètres au dessus du niveau de la plaine alluviale. Choisir ce site fut cependant l’aboutissement d’une longue réflexion. Les projets avaient en effet fleuri pendant une quarantaine d’années, certains penchant pour le pont, d’autres pour un tunnel avec lequel on « aurait pu passer le fleuve en reliant Lillebonne à l’embouchure de la Risle en offrant ainsi un tracé pour une ligne ferroviaire »*. Pour finir, c’est cependant Auguste Marion, Président de la commission du pont et militant actif de la cause, qui va l’emporter. En novembre 1936, le Ministère des travaux publics reçoit ainsi une délégation de Havrais conduite par Léon Meyer, maire du Havre et où figure René Coty, député et futur président de la République. Le ministre s’engage devant cette délégation à inscrire le pont-route sur la Seine dans les grands travaux à exécuter en 1937. Parole de ministre. Car, c’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui ont la naïveté de les croire. C’est donc son successeur qui annoncera en janvier 1939 la mise à l’enquête publique de la construction du pont. La mairie du Havre et la Chambre de commerce réagissent en demandant le 3 août de la même année les autorisations à la construction du pont. Hélas, sur ces entrefaites, La guerre éclate. Si elle n’empêche pas la déclaration d’intérêt public le 11 décembre 1940, elle fait quand même passer la construction du pont au second plan.
Le pont du maréchal Pétain…
En janvier 1941, on ouvre néanmoins un chantier de construction pour l’aménagement des voies d’accès. Ces premiers travaux sont interrompus en 1942. Mais la Chambre de Commerce tient au projet. Ainsi, le 30 mai 1944, émit-elle le vœu que « la construction du pont Maréchal Pétain (sic !) puisse être entreprise dès la cessation des hostilités ». La fin de la guerre va effectivement voir renaître le projet. En 1948, Christian Pineau, qui est alors ministre des Travaux Publics, décide à l’occasion d’une visite au Havre que le pont, rebaptisé pour l’occasion pont de Tancarville, sera construit. Quelques années passent encore et, en 1951, la Chambre de Commerce est autorisée à construire l’ouvrage… mais à ses frais. L’État, qui reconnaît pourtant son utilité publique, ne versera pas un centime pour sa construction. Ce point a son importance car il est à l’origine du péage ! La chambre de Commerce réalise donc un montage financier qui aboutit en 1954. L’ordre de mise en route des travaux est finalement donné le 19 novembre 1955. C’est un chantier gigantesque qui doit aboutir au plus grand pont d’Europe. Les difficultés techniques ne manquent pas. Ériger les deux piliers en béton, tous deux d’une hauteur de 124 mètres (les plus hauts d’Europe à l’époque) distants de 608 mètres, installer les deux câbles de plus de 60 centimètres de diamètre, d’une longueur de 1066 mètres et d’un poids chacun de 1580 tonnes, sont autant de performances techniques.
Un exploit technique
A tous les niveaux, le pont de Tancarville fut placé sous le signe du gigantisme. Ne prenons que l’exemple des câbles. « Chaque câble est composé de 60 torons serrés les uns contre les autres par des colliers. Ces colliers sont disposés tous les 10,67 mètres et soutiennent les suspentes (qui relient le tablier aux câbles porteurs). Chaque toron est constitué de 169 fils de 4,7 mm de diamètre tourné ensemble. En tout, 240000 km de fil ont été utilisés » source : CCI)
Pendant 4 ans, techniciens et ouvriers vont travailler sur cet énorme chantier. La fierté du travail accompli ne les empêchera pas de résister à leur employeur comme le prouve la grève largement suivie d’octobre 1958. où les acquis sont nombreux. « Les travailleurs de chez Fives Lille et de Baudin obtiennent 25 0000 francs de primes dont 10 000 francs payables dans l’immédiat. Le travail reprend mais la lutte continue par des arrêts, de nouvelles satisfactions sont obtenues. Les élections des délégués ont lieu avec 97% des suffrages. »** Il faut dire que les conditions de travail sont très difficiles. Altitude, vent, froid de l’hiver sont le quotidien des travailleurs. Quelque soit le jour ou les conditions climatiques, le chantier ne cesse jamais. L’hiver 57/58, on faillit pourtant devoir arrêter le chantier à cause du gel. On fabriqua alors le béton avec de l’eau chaude, chauffant les coulées avec des lampes à rayons infrarouges, pendant que les travailleurs venaient en fourrures. C’est miracle, que dans de telles conditions, on n’ait eu à déplorer aucun accident mortel. Encore qu’une fois on n’en fut pas loin. Un ouvrier travaillant à la pile de la rive droite tomba dans une fosse où l’on coulait du béton. Il eut beau crier « Arrêtez la coulée », on ne l’entendit pas. Heureusement, il arriva à s’extraire lui-même de la fosse.
La gratuité en 2026 ?
Finalement, le 1er juillet 1959, les premiers essais furent menés et ils furent concluants. Quatre-vingt cinq camions chargés s’avancèrent à partir de chaque rive. L’affaissement fut seulement de 12 mm (on en avait prévu trente). Le 2 juillet 1959, le pont était mis en service. « C’est une certaine madame Hébert qui recevra le ticket 0000001 et le paiera 650 francs » *** La véritable histoire du pont de Tancarville, et de son péage !, commençait avec cette madame Hébert. La concession du pont de Tancarville à la Chambre de Commerce par l’Etat étant de 75 ans, la CCI peut faire ce qu’elle veut durant tout ce temps là… Et elle ne s’en prive pas ! Au début, le pont était payant même pour les piétons et les cyclistes et les automobilistes payaient en fonction du nombre de chevaux de leurs véhicules. De nos jours, le pont est gratuit pour les piétons et les vélos et le tarif est unique pour les automobiles. Petits progrès. Mais, régulièrement, revient la question de la gratuité du pont et, non moins, régulièrement, reviennent les mêmes réponses. Si le pont a été amorti, ce que la CCI met en avant est le coût de son entretien (le changement des câbles, en 1999, coûta ainsi 45 millions d’euros****). Dialogue de sourds. Le pont sera-t-il enfin gratuit en 2026 quand il reviendra à l’Etat ? On aimerait le croire. Mais rien ne permet de l’affirmer. Les travailleurs de la ZI du Havre, habitant de l’autre côté de l’eau, pourront-ils enfin un jour ne pas payer pour aller travailler ?
Antoine FISZLEWICZ
(1) Rappelons qu’ Antoine FISZLEWICZ a écrit avec l’ IHS CGT 76 et le Comité Régional CGT de Normandie « HAUTE-NORMANDIE PAGES D4HISTOIRE SOCIALE » en 2009. Vous pouvez vous procurer cet ouvrage auprès de notre IHS 26 avenue Jean Rondeaux 76108 Rouen cedex 25 €+ 6 € de frais de port.
*Robert Mercier Le pont de Tancarville in Tancarville, un château, un pont, toute une histoire… Ouvrage collectif. Édition des Falaises 2008
** Le Bâtisseur de Seine Maritime fin 1958 cité in Haute-Normandie Pages d’histoire sociale. Institut d’Histoire sociale de Seine Maritime CGT 2009 éd.
*** Eddy Simon in Le Havre, ah quel estuaire – Eddy Simon-Antoine Fiszlewicz Editions Petit à Petit 2001
**** Ce n’est jamais fini. C’est la même logique qui prévaut quant à la construction d’une gare de péage plus grande sur la rive gauche de la Seine. Prévus en 2012/2013, ces travaux devraient coûter la bagatelle de 41 millions d’euros. Qui va les payer ? Les usagers du pont bien évidemment…
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